Par Sarantis Michalopoulos
La Cour suprême grecque a statué ce vendredi (5 avril) que les personnes placées sous surveillance par les services secrets devaient être informées des motifs justifiant l’atteinte à leur vie privée — une décision considérée par l’opposition du pays comme une victoire pour l’État de droit.
Pour la Cour, empêcher la personne visée d’être informée de sa mise sur écoute une fois celle-ci terminée, en particulier lorsqu’il n’y a plus de risque pour la sécurité nationale, constitue une « restriction excessive de l’inviolabilité de la communication, qui n’est pas justifiée dans le contexte du fonctionnement de l’État de droit ».
Le Mouvement socialiste panhellénique (Pasok), un parti socialiste, a salué la décision du tribunal, la qualifiant de victoire pour l’État de droit, tandis que le principal parti d’opposition du pays, le parti de gauche Syriza, a déclaré que « la démocratie en Grèce est plus forte que ceux qui pensent pouvoir jouer avec elle pendant longtemps ».
La Cour s’est penchée sur le scandale des écoutes téléphoniques en Grèce, surnommé le « Watergate grec », qui a secoué la scène politique grecque après la révélation, à l’été 2022, que les services secrets grecs avaient mis sur écoute les téléphones de plusieurs responsables politiques, journalistes et hommes et femmes d’affaires.
Retour sur les origines de l’affaire
Après un contrôle des services du Parlement européen en juillet 2022, le leader du Pasok alors eurodéputé (Socialistes et Démocrates européens, S&D), Níkos Androulákis, a découvert une tentative visant à infecter son téléphone avec le logiciel espion illégal Predator. Les services secrets grecs ont ensuite reconnu que son téléphone avait été mis sur écoute.
Le parti conservateur au pouvoir, Nouvelle Démocratie (Parti populaire européen, PPE), a nié être à l’origine de la tentative d’infiltration via le logiciel Predator, mais a admis que les services secrets avaient mis le téléphone du dirigeant socialiste sur écoute, invoquant des questions de sécurité nationale basées sur un amendement à une loi adoptée en mars 2021. Cet amendement prévoit que les personnes surveillées ne sont pas autorisées à être informées des raisons de cette surveillance pour des raisons de sécurité nationale.
Le Premier ministre Kyriákos Mitsotákis a insisté pendant des mois sur le fait qu’il n’était pas au courant de ces activités de surveillance, et, lors d’un débat une semaine avant les élections nationales de juin dernier, il a affirmé que M. Androulakis « ne pose absolument aucun risque pour la sécurité nationale du pays et n’aurait jamais dû être sous surveillance ».
Plus d’excuses
La décision de justice jugeant inconstitutionnelle la loi de mars 2021, M. Androulakis pourra désormais connaître les raisons de sa surveillance en s’adressant à l’Autorité hellénique pour la sécurité des communications et la protection de la vie privée (ADAE), un organisme indépendant.
Le chef de cette autorité, Christos Rammos, un haut magistrat qui a insisté pour faire la lumière sur cette affaire, a souligné à plusieurs reprises que le gouvernement avait fait obstruction à l’enquête sur le scandale des écoutes téléphoniques.
« Watergate grec » : de nouvelles victimes dans l’affaire des écoutes téléphoniques
L’eurodéputé du groupe Renew Europe Giorgos Kyrtsos et le journaliste d’investigation Tasos Telloglou sont les dernières victimes en date du « Watergate grec », le scandale d’écoutes téléphoniques qui secoue Athènes depuis plusieurs mois.
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Dans un entretien accordé à Euractiv vendredi, Alexis Charitsis, le dirigeant du parti Nouvelle Gauche, a déclaré que la décision du tribunal de rejeter l’amendement de Nouvelle Démocratie était un nouvel épisode dans la longue série de violations de tous les concepts de l’État de droit par le gouvernement Mitsotákis.
« En 2021, le gouvernement Mitsotákis a violé la Constitution et l’a fait consciemment. Après cela, le gouvernement a procédé à un coup d’État, en changeant la composition de l’ADAE pour brouiller les pistes », a expliqué M. Charitsis. Et d’ajouter qu’à partir de maintenant, « il n’y a plus d’excuses ».
« Après la décision de la Cour suprême et malgré le changement de sa composition, l’ADAE doit prendre les mesures nécessaires et informer le président du Pasok des raisons pour lesquelles il a été mis sous surveillance », a-t-il conclu.
Source : Euractiv